Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

vendredi 28 décembre 2012

Petit bilan généalogique de l'année 2012

2012 se termine dans quelques jours, l'occasion pour moi de faire une pause et de revenir sur les temps forts de l'année écoulée et de jeter des passerelles sur celle à venir.

Ce fut une année riche en rencontres, en découvertes et en surprises.


Les rencontres en premier lieu avec ces personnes qui m'ont fait confiance en me laissant chercher pour eux leur histoire familiale, ou en me confiant leurs trésors de papiers, lettres et photos. 
J'ai ainsi  rencontré des destins étonnants, parfois bouleversants ; j'ai eu de grandes victoires sur le silence et l'ignorance, mais j'ai aussi connu des impasses qui imposent la modestie et l'humilité.

©Hergé
Grâce à ces clients, j'ai voyagé aussi bien dans l'espace que dans le temps sans bouger de mon bureau (ce que j'ai parfois bien regretté...)

J'ai fait des incursions en Suisse, en Belgique, en Espagne. J'ai exploré les archives de Martinique, et à travers elles l'histoire de l'esclavage. Dans mes recherches personnelles, j'ai également découvert un pan de l'histoire coloniale que je connaissais peu ou mal : j'ai vogué au travers des récits, du Tonkin à Madagascar.
J'ai également cherché dans les archives de l'Algérie française.

J'ai parcouru les départements de la France métropolitaine, me suis familiarisée avec les noms des communes du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Indre, de la Charente-Maritime, de l'Eure-et-Loir, du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres, du Loir-et-Cher, de la Savoie, même au temps où elle n'était pas encore rattachée à la France, de la Seine-et-Marne, de la Corrèze, de la Haute-Garonne...

J'ai physiquement emprunté cette autoroute dont le tracé se confond avec ma propre généalogie. J'ai d'ailleurs progressé, mais pas aussi vite que je le voulais. Mais tant mieux, il me  reste encore plein de choses à découvrir sur mes propres ancêtres et mon plaisir est aussi dans l'enquête, Sherlock Holmes mon modèle ! 


Il y a aussi les rencontres virtuelles par le biais des réseaux sociaux. La communauté des généalogistes amateurs et professionnels qui y sévit est active, compétente, solidaire, bienveillante. Les échanges sont chaleureux et conviviaux. Chacun se nourrit des expériences des autres, se réjouit des trouvailles, des avancées, trouve réconfort en cas de boulette. Ces rencontres quotidiennes rompent avec l'isolement auquel on est parfois confronté. L'entraide n'est pas un vain mot. C'est une véritable source d'information et d'inspiration. 


Et puis parfois, le virtuel devient réel et prend la forme d'une rencontre et d'un entretien au cours duquel on a la chance de pouvoir parler de son activité, expliquer sa démarche, partager sa vision de la généalogie. Encore merci à Elisabeth de MyHeritage.fr pour ce beau moment.

Le Blog est un espace de résonance : on répond à ce qu'on lit en partageant ses propres réflexions ou émotions, ses propres expériences ou découvertes. 

Je me suis aussi beaucoup interrogée sur le sens de ces recherches ; j'ai essayé de décrypter ce qu'il y avait derrière les demandes qu'on m'adressait, afin de fournir la réponse la plus adéquate. J'ai trouvé quelques pistes au travers de lecture et j'en suis arrivée à la conclusion que le généalogiste était un travailleur de la mémoire, et que sous cet angle la généalogie s'humanisait, s'incarnait. C'est ainsi qu'elle permet de remettre dans la lumière des personnes oubliées, des histoires enfouies, non pas pour les juger les ou les condamner, mais pour les connaître simplement et avancer dans sa propre vie. 

Enfin, j'ai pesté, j'ai râlé, j'ai usé mes yeux au décryptage des actes les plus anciens, j'ai eu des mots avec mon ordinateur et mon imprimante...je me suis excusée depuis, on ne gagne pas toujours contre les machines ! J'ai bu des litres de thé et de café, et parfois l'envie de la cigarette s'est de nouveau fait sentir...

Voilà ce qui ressort principalement de ces 12 mois. Si la nouvelle année m'apporte ne serait-ce que la moitié de ce que 2012 m'a apporté, alors ce sera une bonne année.

Bonne fin d'année à tous, et merci de votre fidélité à Mémoire vive. Rendez-vous en 2013 !





vendredi 30 novembre 2012

Un Lauragais à Madagascar


Second volet de l'histoire des deux frères qui comme leur père, par les hasards de la conscription  par tirage au sort, quittèrent leur terre natale et partirent découvrir le monde.

Marc à Madagascar

Un peu d'histoire 

La première guerre franco-malgache s'achève par la signature du traité du 17 décembre 1885 qui place l'île sous une forme de protectorat, la France se chargeant des relations extérieures de Madagascar.

A l'intérieur du pays règne un grand désordre auquel la France envisage de mettre bon ordre dès septembre 1894, notamment pour maintenir les positions françaises, rétablir l'ordre, protéger les nationaux sur place et faire "respecter le drapeau". En janvier 1895, le principe d'une expédition est voté par la Chambre des députés française. 



Le corps expéditionnaire comprend 15000 hommes. 40 % de ces effectifs vont mourir de maladie, victimes pour la plupart du paludisme, alors qu'il n'y aura du côté français que peu de tués au combat. Cruel manque de préparation de la part des officiers français qui, à l'instar du colonel Gilon, chef de corps du 200e  régiment d'infanterie, donnent ces consignes : 

"A Madagascar, vous aurez à vous défendre contre trois ennemis bien plus redoutables que les Hovas : le soleil, les fièvres et la dysenterie. Contre ces trois ennemis vous avez le casque, l'eau bouillie et la ceinture de flanelle. Vous ne devez jamais sortir sans casque, car même sous un soleil nuageux, le soleil est mortel. Dans les haltes, ne vous couchez jamais sur la terre, qui est plus chaude que l'air et vous empoisonnerait par ses miasmes. Bornez-vous pour vous reposer à vous asseoir sur vos sacs. Vous ne sortirez jamais à jeun et ne boirez que de l'eau bouillie avec du thé ou du café. Pour éviter les conséquences du refroidissement du ventre, et conséquemment la dysenterie, vous ne quitterez point votre ceinture de flanelle. Voilà ce qu'il faut faire. Ce qu'il ne faut pas faire, sous aucun prétexte, c'est boire de l'alcool et manger des fruits qui, même s'ils ressemblent aux nôtres, renferment de violents poisons. En suivant ces recommandations vous reviendrez en France pour la récompense de vos victoires"
(source :  http://military-photos.com/madagascar2.htm)

Le 30 septembre 1895, les troupes françaises s'emparent de Tananarive. Le 1er octobre, un traité de protectorat est signé. Les troupes françaises sur place continuent d'assurer un maintien de la paix en réprimant ici et là des insurrections. 

Le 6 août 1896, les députés français votent une loi qui déclare "colonie française l'île de Madagascar et les îles qui en dépendent".

Marc 

Je ne sais pas grand-chose de Marc. J'ai appris son existence en découvrant, dans les papiers de mon grand-père, la notification de son décès survenu à Nossi-bè, en septembre 1895.

J'ai donc recherché son acte de naissance pour en savoir un peu plus.
Marc est né le 23 avril 1872 à Montmaur, dans l'Aude. Son père Guillaume est alors cultivateur ; il est âgé de 36 ans. Sa mère Marie, ménagère, est âgée de 37 ans. Son frère aîné Paul va sur ses 7 ans.


©Anne Dardaud

L'histoire le fige dans une date : il ne sera jamais vieux ; il ne sera jamais père, ni oncle. Il reste un fils et un frère, mort et enterré à des milliers de kilomètres de chez lui, sans sépulture pour laisser une trace dans la mémoire familiale. Sans ces papiers, je n'aurais jamais connu son existence.



Au-delà de son destin tragique et de sa mort prématurée, j'ai été touchée par cette preuve matérielle de l'existence physique de cet ancêtre. Il a pris le livret militaire de son père Guillaume comme cahier d'écriture ; on l'imagine assez bien, un crayon à la main, traçant ces lettres et inscrivant son prénom et ceux de sa famille. Tout un symbole.



Ces deux frères ont été les acteurs et les témoins de l'histoire coloniale française, dans sa partie conquête. Ils ont laissé leur famille pour partir servir une politique expansionniste dont ils ne saisissaient pas forcément tous les enjeux.

Le fils de Paul, mon grand-père Alfred, choisit de son plein gré la carrière militaire : il y voyait là une réelle possibilité d'ascension sociale. Fait prisonnier au début de la Seconde guerre mondiale, il verra ses ambitions se déchirer sur les fils barbelés de l'Oflag situé en Tchécoslovaquie, dans lequel il demeurera cinq années. Il décédera quelques années après son retour en France.

A l'autre bout du processus historique initié au 19e siècle, les petits-fils de Paul, les fils d'Alfred, partiront, toujours par le biais de la conscription, faire leur service militaire en Algérie, et embarqueront plus de soixante ans après, là où leur grand-père et leur grand-oncle avaient eux-mêmes embarqué. Je ne sais pas si l'histoire se répète, mais dans le cas présent, du Mexique à l'Algérie, elle a embarqué avec elle de nombreux jeunes hommes dans son sillage sanglant.
 

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Pour aller plus loin : 

lundi 26 novembre 2012

Interlude généalogique


En attendant la suite... Hymne des généalogistes

BOBY LAPOINTE 
 "Le papa du papa" 



PS : et c'est lui qui a aussi chanté "La maman des poissons"...

Quel arbre !

mercredi 7 novembre 2012

Poslední domy*


*Dernières demeures

Nouvelle promenade dans la série des dernières demeures (ParisMilan et Berlin), Toussaint oblige. Mais paradoxalement, je vous propose de vous faire découvrir le vieux cimetière juif de Prague, signalé dans tous les guides touristiques et dont la visite est strictement balisée, ce qui est bien dommage pour une amatrice comme moi de déambulation entre les pierres tombales.

Nous sommes dans un endroit chargé d'histoire, en plein coeur de l'ancien ghetto, dans le quartier de Josefov. L'ancien cimetière juif est considéré comme l'un des plus anciens d'Europe : créé en 1439, il ne reçoit plus de sépultures à partir de 1787, il est le symbole de la présence et de l'influence de la communauté juive à Prague.

On est frappé au premier regard de cet enchevêtrement de stèles : on a l'impression non pas qu'elles ont été plantées dans le sol mais qu'elles en sortent, qu'elles ont poussé de manière anarchique comme des végétaux de pierre. Le guide en précise le nombre : douze mille stèles en surface, quelques milliers sous terre. La terre, la pierre et les végétaux sont intimement liés. 

©Anne Dardaud


©Anne Dardaud

Les arbres continuent de pousser entre les tombes, et on ne peut s'empêcher d'y voir un symbole de vie si cher aux généalogistes...

©Anne Dardaud

©Anne Dardaud
 Les pierres brutes ont subi l'érosion du temps ; les inscriptions en hébreu, les symboles représentants les noms de famille, donnent un relief à ces stèles comme autant de sillons de vie qui ont traversé les époques.

©Anne Dardaud
©Anne Dardaud
©Anne Dardaud
©Anne Dardaud
 C'est un lieu de recueillement et l'émotion est palpable. On a à l'esprit à la fois tous les apports de cette communauté, tant artistiques qu'intellectuels à l'identité européenne en général et à Prague en particulier, et les souffrances à travers les siècles, les persécutions régulières au fil de l'histoire et bien sur la déportation et l'extermination. Ces stèles me font penser à celles qui seront dressées en 2005 à Berlin en mémoire des juifs assassinés d'Europe.

Mais on est aussi touché par la beauté de l'endroit : elle se révèle au fur et à mesure que l'on chemine, et on s'imprègne alors progressivement de la paix du lieu.

La lumière tient un rôle prépondérant : pour un moment, elle met en valeur telle sépulture, garde dans l'ombre telle autre ; elle filtre à travers les arbres et dessine des ombres sur les stèles qui se transforment en toile éphémère.

©Anne Dardaud

©Anne Dardaud

©Anne Dardaud

Loin des traditionnels chrysanthèmes déposés chaque année sur la tombe de mes défunts ancêtres, visitant une ville où je n'ai aucune attache et au-delà de l'aspect confessionnel, j'ai trouvé dans ce cimetière, fermé depuis plus de deux cents ans, une véritable aspiration à la mémoire et à l'éternité.

jeudi 11 octobre 2012

Généalogie, mémoire et résilience

Mardi dernier sur les ondes de France Inter, dans l'émission "Service Public", le journaliste Guillaume Erner recevait Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et ethnologue, à l'occasion de la publication de ses mémoires "Sauve-toi la vie t'appelle".

Lectrice de quelques-uns de ses précédents ouvrages, j'apprécie cet homme pour son intelligence, son discours et son concept de résilience. Très présent dans les médias et particulièrement ces dernières semaines pour la sortie de son livre, je connaissais également son histoire personnelle, avant même d'ouvrir la première page de ses mémoires.




Une intervention de Boris Cyrulnik est toujours digne d'être écoutée.
Au cours des trente minutes d'entretien, de sa voix claire et posée, il revient sur son enfance pendant la guerre, sur les conditions de son arrestation par la Gestapo, et les circonstances de son évasion. Il parle également de l'après-guerre et de l'assourdissant silence qui a entouré la traque des Juifs, la déportation et l'extermination. Cette période est très bien décrite dans le livre de Virginie Linhart, "La vie après".


Il raconte que dans l'immédiate après-guerre, il est un enfant de 8 ans (il est né en 1937), il est seul, orphelin, dans l'impossibilité de parler de ce qu'il a vécu tant il se heurte à l'incompréhension des personnes qui l'entourent, mais également dans l'ignorance la plus totale de l'histoire de sa famille.

Il explique que "les enfants, au moment où se développe leur personnalité ont une représentation d'eux -mêmes avant leur naissance : l'histoire de papa et maman, la famille. Comment font les enfants pour s'identifier s'il y a un trou à la place ? Un trou dans la représentation de soi à travers les générations?

D'où l'importance, non seulement pour la personne ayant subi un traumatisme mais également pour ses descendants, de parler, de raconter, même si le récit du traumatisme est difficilement dicible et audible. Les personnes qui pour des raisons culturelles ou circonstancielles, n'ont d'autre choix que le silence s'y enferment et enferment avec elles le reste de leur famille.

Pour Boris Cyrulnik, il faut "agir sur la culture" et rompre le silence en racontant l'histoire des traumatismes de ses parents pour "ne pas transmettre un trou à ses enfants".

Puis il poursuit : "Quand on a un trou à l'origine de soi, c'est l'angoisse ou la créativité ; angoisse comme  le vertige du vide, mais aussi le plaisir de l'énigme ; -je vais partir à la recherche de l'histoire de mes parents, je vais faire une enquête-, comme je l'ai fait sur ma propre histoire ; je vais partir dans leur pays, je vais interroger les gens, voir la culture, fouiller les papiers".

Et il ajoute : "On ne soupçonne pas les trésors qui sont dans les papiers qui sont au fond de nos tiroirs ou de nos greniers ; il y a des trésors qui racontent l'histoire de notre famille, sans le savoir, et c'est le plaisir de l'énigme policière, du théâtre, du cinéma, on transmet une créativité, on fait un cadeau à nos enfants".

A l'heure où sur de nombreux blogs de généalogie on s'interroge, avec raison, sur l'activité de généalogiste, j'ai eu la confirmation en écoutant parler Boris Cyrulnik de ce que je pressens déjà depuis quelque temps sur notre profession. Nous ne sommes pas seulement des "chercheurs d'ancêtres" : nous sommes des travailleurs de la mémoire. C'est un travail  plein de sens : nous proposons un appui logistique et technique à ceux qui ont entrepris de découvrir leur histoire familiale, comme ceux qui ont décidé de la transmettre à travers des récits, des photos et des papiers de famille. Nous sommes des passeurs d'histoires.

Je le rencontre avec mes clients à qui j'apporte non seulement des ancêtres, mais aussi des réponses ou des débuts de réponses à leurs questionnements les plus intimes.

Loin de moi l'idée de remplacer un psychanalyste ou un psychothérapeute, ce n'est pas de ma compétence, mais je pense contribuer par un regard extérieur, neutre, à la découverte du passé et accompagner mes clients dans ce que Boris Cyrulnik appelle "le plaisir de l'énigme".

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Pour réécouter l'émission : http://www.franceinter.fr/emission-service-public-ma-resilience-a-moi

Boris Cyrulnik enquête sur sa mémoire © Tommy Dessine - 2012

Illustrant mon propos, le dernier livre de Colombe Schneck, "La Réparation" où la narratrice, à partir d'une photo et d'une promesse faite à sa mère, part à la découverte de son histoire familiale.


vendredi 5 octobre 2012

Un Lauragais au Tonkin

Je suis toujours étonnée et frappée de voir l'histoire d'une famille se répéter d'une génération à une autre. Comme je l'ai déjà relaté dans ce blog ("Un lauragais au Mexique"), j'avais trouvé dans mon arbre un arrière-arrière-grand-père, Guillaume, paysan et natif du Lauragais,  qui par les hasards de la conscription par tirage au sort avait été envoyé au Mexique à la fin du règne de Napoléon III.

Ses deux fils, Paul et Marc connurent le même (tirage au) sort ; à l'occasion de leur service militaire respectif le premier partit pour le Tonkin, le second pour Madagascar.

Premier volet de l'histoire des deux frères.

Paul au Tonkin 

La France est présente en Asie du sud-est depuis les années 1860. Les grandes puissances européennes se livrent une véritable bataille pour l'accès à la Chine et à ses promesses d'expansion économique.
Le Tonkin est la partie septentrionale du Vietnam. Son histoire se confond avec celle de la conquête coloniale, puis celle de la pacification.



Paul Jourda ©Jourda

Paul est né le 29 août 1865 à Montmaur dans le département de l'Aude. Il est le fils aîné de Guillaume et de Marie . Ses parents sont agriculteurs. En décembre 1886, il est incorporé au régiment d'artillerie de marine.


Après une année de formation à Toulon, il prendra place à partir de février 1888 sur le navire de transport l'Annamite, destination le Tonkin.

http://photographie-maritime.com/photographie/photomarinenationale.htm

Pour avoir une idée des conditions de son voyage jusqu'en Asie, je me suis reportée sur ce récit écrit à la fin du 19ème siècle par un sergent, engagé volontaire pour partir servir au Tonkin.
Nestor Villot, (c'est son nom) raconte dans la première partie de son ouvrage, sa traversée depuis Toulon, périple de deux mois à bord du Cachar, qui le mènera à Haïphong, en passant par Alger, Port Saïd, le canal de Suez, la mer rouge, Obok, Ceylan, Malacca, Sumatra et Singapour.

Son récit rédigé au présent est précieux ; il témoigne de la vie quotidienne à bord, des attentes et des interrogations d'un jeune homme, né loin de la mer à Bourg dans l'Ain et qui découvre le monde. Il y décrit le mal de mer des premiers jours, la promiscuité sur le bateau, la chaleur, la soif, mais aussi l'émerveillement devant ces paysages exotiques. L'identification à mon arrière-grand-père est alors assez aisée.



©Diptyque

Malheureusement, rien du séjour de Paul  n'est parvenu jusqu'à nous. Aucun récit, aucune anecdote, aucune "légende familiale".  Démobilisé en juin 1890, il se marie en novembre et fonde rapidement une famille. On ne saura jamais ce qu'il a pu raconter (ou ce qu'il a tu)  à ses proches, à sa femme, à ses deux fils. On ne peut qu'imaginer l'état d'esprit d'un jeune homme d'une vingtaine d'année, qui a entendu les récits de son père, parti en son temps au Mexique ; ce jeune homme qui travaillait la terre, va être confronté aux armes, à la guerre, à la mort de ses camarades, loin de chez lui, sous un autre climat.

Restent les récits, les quelques photos permettant de planter le décor de ce voyage à tout point de vue initiatique qui  va lier intimement l'histoire personnelle d'un individu à l'histoire de son pays.



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Quelques illustrations supplémentaires sur ce site : 
http://www.ecpad.fr/un-sejour-au-tonkin-et-a-madagascar-1885-a-1900

Témoignage épistolaire sur ce site
http://www.stleger.info/valentin/1885/16juillet1885.htm

Pour en savoir davantage sur la conquête complexe du Tonkin :

La sanglante conquête du Tonkin  de Francis Mercury


lundi 10 septembre 2012

Généalogie le long de l'A20

La période des vacances estivales est propice aux déplacements, plus ou moins lointains. Cet été le voyage que nous avons entrepris pour nous rendre sur le lieu de notre villégiature, s'est transformé au fil des kilomètres en voyage dans le temps.
La généalogie de ma famille et de celle à laquelle je suis alliée s'est confondue avec l'itinéraire de l'autoroute A20 : plus nous progressions vers notre destination, plus nous remontions notre arbre généalogique, génération après génération, branche après branche. A chaque étape les fantômes de nos ancêtres ont pris place entre les deux enfants, à l'arrière de notre voiture familiale qui n'a jamais aussi bien porté son nom.

Notre carnet de voyage est devenu un livret de famille.


Première étape : Le Berry 
Bourges-Vierzon-Châteauroux

De mon côté, Bourges est la première étape de mon histoire, à savoir la rencontre de mes parents sans qui...
Ma mère avait quitté son Périgord natal pour venir y faire ses études d'infirmière ; mon père y était installé depuis la fin de la guerre avec sa mère, sa soeur et son frère. Ils avaient quitté la Nièvre voisine, berceau de la famille de ma grand-mère suite à une affectation de mon grand-père militaire de carrière. Malgré son décès prématuré en novembre 1950, toute la famille demeura à Bourges.

Mes parents se sont mariés à la mairie de Bourges et ma soeur est née à l’hôpital de Vierzon où ma mère travaillait au début des années 1960. Peu de temps après, ils ont définitivement quitté le Berry pour Paris, où mon père avait trouvé du travail et où mon frère et moi sommes nés.

Ma grand-mère demeura longtemps à Bourges qu'elle quitta néanmoins au tout au début des années 1980 pour Châteauroux où résidait son fils cadet et sa famille.

Au delà de l'histoire propre de ma famille, il me reste de ces lieux des souvenirs heureux de l'enfance, faits de retrouvailles entre cousins lors d'étapes sur la route des vacances ou encore de longs week-end du mois de mai, autour d'une grand-mère qui nous apparaissait immortelle...

Ma grand-mère Anne-Marie
Deuxième étape : De la Haute-Vienne à la Dordogne
Limoges-Brive-la-Gaillarde- Montignac-sur-Vézère

Berceau de la branche paternelle de mon mari, ses ancêtres sur plusieurs générations ont longtemps demeuré à Eyjeaux, au sud de Limoges, où ils travaillaient la terre. L'un d'entre eux, Martial, quitta Eyjeaux pour Limoges où il s'établit comme cordier, dans les années 1830. Son fils Pierre dit Léon, également cordier, prendra le chemin de Paris, où il résidera un temps, puis s'installera à Montreuil et enfin à Angerville.

Au début du vingtième siècle, son fils ouvrira une fromagerie dans le centre de Paris.

Léon Dardaud avec son fils Paul-Henri, dans sa corderie d'Angerville


Toujours dans le Limousin, nous arrivons en Corrèze et entrons sur les terres de mes ancêtres maternels.
D'abord la famille de mon grand-père Eugène, était de Saint-Germain-les-Vergnes, au nord de Brive-la-Gaillarde. Dans les années 1920, ils ont quitté la Corrèze pour la Dordogne et son Périgord noir que l'autoroute traverse également. C'est à Montignac-sur-Vézère que mon grand-père a rencontré et épousé ma grand-mère Jeanne. Elle y était née et y résidait avec sa mère, Marie, veuve de guerre. Là encore, cette route généalogique rejoint les souvenirs des vacances de l'enfance : Montignac-sur-Vézère, signalé désormais comme Montignac-Lascaux, la vallée de la Vézère, de la Dordogne... 

Nous étions sur les terres de ma mère, de ses oncles, de ses tantes et de ses nombreux cousins... Les membres de cette famille avaient un accent chantant et les anciens parlaient en patois, ce qui leur donnait à nos yeux d'enfant une touche exotique et mystérieuse.

mes arrières grands-parents corréziens, Antoine et Maria

L'autoroute se poursuit et se termine à Montauban. Je pourrais étirer son parcours jusqu'au sud de Toulouse tout proche, et pour être complet ajouter à ces trois branches, celle de mon grand-père paternel, Alfred, présente depuis plusieurs générations dans le Lauragais. 

mon grand-père Alfred

Nous avons parcouru en sens inverse la route qu'ont empruntée nos ascendants pour arriver jusqu'à Paris. En une journée de voyage, nous avons fait plus de kilomètres que l'ensemble de mes ancêtres n'en aura parcourus tout au long de leur vie, excepté les deux dernières générations, celles qui ont quitté leur terre natale, leur famille soir par nécessité soit par choix. Il aura suffit d'une personne, en l’occurrence mon grand-père pour faire le trait d'union entre deux familles, géographiquement éloignées, et pour permettre la rencontre de ceux qui allaient devenir mes parents. 

Alfred n'a franchi que la Loire, certains dans d'autres familles, notamment  parmi celles pour qui j'ai travaillé, ont traversé des océans, ont franchi des montagnes, mus par l'envie ou la nécessité. Ils ont fertilisé leur enracinement de descendants aux origines géographiquement variées. 

En ce qui concerne ma famille, cet itinéraire est physiquement marqué à travers des plaines et des vallées, telle une ligne de vie. A chaque étape réside depuis, une branche de cet arbre aux racines profondes, aux branches nombreuses et aux ramifications de plus en plus étendues.








vendredi 27 juillet 2012

Florilège d'un blog de généalogie

Avant de partir pour quelques jours de vacances, je vous propose un florilège des chroniques généalogiques postées depuis le mois de septembre sur ce blog.

Il s'agit de prendre le temps de revenir sur les différents sujets abordés et inspirés soit par mon activité de généalogiste , soit par l'actualité durant cette année scolaire écoulée.

Je vous retrouve à mon retour avec de nouvelles idées, riche des rencontres estivales, des moments partagés en famille et entre amis, nourrie des célébrations des anniversaires de l'été, marqueurs du temps qui passe...

Sous la forme d'un inventaire, voici ce que l'on peut trouver dans le Blog de Mémoire vive :

- un bestiaire peuplé d'un dragon et d'une girafe ;

©Anne Jourda-Dardaud

©Anne Jourda-Dardaud


- un célèbre détective au prénom irlandais mais doté d'une grand-mère française, dont les aventures ont été  portées à l'écran en ce début d'année ; 


- des prénoms anciens, oubliés, insolites, donnés, transmis, changés et qui font la joie des généalogistes ;

©Anne Jourda-Dardaud


- deux promenades : la première dans les allées de l'expo universelle de Paris de 1937, grâce aux clichés retrouvés dans un album de famille,  la seconde dans les allées verdoyantes d'un cimetière berlinois découvert au cours d'un séjour dans la capitale allemande ;

©Dardaud

©Anne Jourda-Dardaud

- de nombreuses interrogations sur le travail du généalogiste, sur son rapport au temps et à la vérité sortie des actes et des archives ; 

Harold Lloyd

- des soldats de la guerre de 14-18 , leurs femmes , leurs enfants ; 

©Anne Jourda-Dardaud

- des papiers de famille et des photos posées , véritables trésors pour les explorateurs des histoires familiales ; 

©Anne Jourda-Dardaud


- un métier et l'histoire d'une institution découverts au détour d'un acte de mariage ;  



- et enfin une exploration sensorielle de notre mémoire au travers de ses différents supports visuels, venant compléter le goût et l'odorat. Les deux derniers volets de cette mémoire des sens sont prévus pour la fin de l'année ; 


©Anne Jourda-Dardaud

Parfum Salvador Dali

Rendez-vous donc à la rentrée, pour de nouvelles aventures généalogiques ; d'ici là bel été à tous et merci de votre fidélité aux publications de Mémoire vive.