Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

jeudi 31 octobre 2013

Généalogie et phaléristique

Au musée de la Légion d'honneur à Paris, se tient jusqu'au 26 janvier 2014 une exposition intitulée "De Gaulle et le Mérite, création d'un ordre républicain", célébrant le cinquantenaire de la création de l'ordre et qui dévoile les coulisses de la fondation du second ordre national, "pilier d'une large réforme du système des décorations françaises voulue par le Général, dans une France en pleine modernisation".


Il est possible de consulter sur place un annuaire interactif qui rassemble plus de 306.000 noms des décorés d'hier et d’aujourd’hui.

En marge de cette exposition, j'ai eu le privilège de rencontrer Nicolas Botta-Kouznetzoff, historien spécialiste des médailles et des décorations : un phalériste.  Lors d'un échange tout à fait passionnant au cours duquel il a eu la gentillesse de me faire découvrir sa matière et de partager ses connaissances érudites, nous nous sommes interrogés sur l'apport de la phaléristique à la généalogie.

Nicolas décrit la phaléristique comme une science auxiliaire de l'histoire qui pour objet l'étude des ordres, des décorations et médailles. L'apport de cette science auxiliaire est de déchiffrer et comprendre la présence d'ordres, décorations et médailles sur différents supports (tableaux, photographies, armoiries, papiers, monuments). Plus généralement d'aider le travail de l'historien en lui donnant des outils de datation.



On compte parmi ces sciences dites "annexes", l'héraldique (l'étude des blasons), l'insignologie (l'étude des insignes), la sigillographie (l'étude des sceaux), la vexilologie (l'étude des drapeaux), l'uniformologie (l'étude des uniformes), la numismatique (l'étude des pièces).

Les généalogistes, que l'on peut considérer comme des historiens de la famille, ont besoin d'éléments de datation pour retracer le parcours de vie de leurs ancêtres. A coté des documents d'état civil, il y a les papiers de famille, les documents officiels qui fournissent des données claires et précises. Et puis il y les supports qui ne livrent pas de prime abord les informations qu'ils contiennent. C'est alors une recherche d'indices, un travail de décryptage de symboles, qui renvoient directement à ces sciences annexes.

La phaléristique étudie les insignes de fonction et de distinction que l'on peut trouver sur tous les supports iconographiques et des sculptures comme des bustes. Il peut aussi s'agir d'un simple objet comme une barrette de rappel, ou encore un ruban qui a force d'une médaille.

On peut également ne retrouver que les brevets, diplômes ou autorisation de port de décoration. Ces derniers documents sont généralement les mieux connus des généalogistes et sont riches en éléments biographiques.

crédit : Jourda

Parmi nos ancêtres, certains dont la vie a été très éloignée des carrières militaires, ont pu par le biais et les hasards de la conscription se retrouver à partir dans des expéditions à l'autre bout du monde. Le brevet et/ou la médaille en sont les seuls témoins. Ainsi Guillaume, le grand-père de mon grand-père paternel, laboureur dans le Lauragais, dont j'ai retracé l'aventure au Mexique dans un précédent billet.

Les ordres, décorations et médailles créées après la Révolution touchent davantage de personnes que les ordres royaux de l'Ancien régime, destinés dans la majorité des cas aux personnes de la noblesse. Ces ordres ont été supprimés en 1793, puis rétablis sous la Restauration, puis définitivement supprimés en 1830.

L'histoire des ces ordres français est très instructive  : le site du musée de la Légion d'honneur en retrace les grandes étapes, de l'ancien régime à la création du l'ordre du Mérite.

Souvent, le problème du généalogiste est l'accès aux sources car une fois l'identification faite, on attend des éléments biographiques qui vont permettre de retracer la vie de notre ancêtre. Il y a les archives militaires, les registres de recrutement, la série R des Archives départementales qui contient les dossiers de décoration à titre militaire. La Revue française de généalogie avait publié un excellent article sur le sujet (RFG n°205 avril-mai 2013).

La Légion d'honneur propose sa base de données : Léonore.
Non seulement vous pouvez vérifier si l'un de vos ancêtres a reçu l'honorable décoration, quel était son grade dans l'ordre mais vous pouvez avoir accès à son dossier.

J'ai ainsi pu trouver pour l'un de mes ancêtres un  état des services, véritable curriculum vitae et ainsi reconstituer une partie de son parcours professionnel, ainsi que prendre connaissance d'une partie de ses publications.

La phaléristique permet par ces outils un autre éclairage de l'histoire d'une personne : c'est par le vecteur d'un objet que l'on va avoir accès non seulement à son histoire, à sa situation géographique, mais également à la "grande" histoire. Cet objet historique nous place à hauteur d'homme ou plus exactement à hauteur de poitrine, et tel le "portauloin" (objet magique, bien connu des lecteurs d'Harry Potter),  nous emmène à travers des périodes ignorées ou oubliées en nous en offrant une lecture différente, plus proche, plus personnelle.
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En plus de l'exposition, je vous recommande le catalogue "De Gaulle et le Mérite - création d'un ordre républicain" auquel a contribué Nicolas, très richement illustré et qui présente également une iconographie des ordres et des décorations qui ont été supprimés au moment de la création de l'ordre du Mérite.

Je vous recommande aussi cet ouvrage sur les brevets des médailles commémoratives militaires du Second Empire. C'est un guide pour les collectionneurs, mais qui peut constituer une source d'information non négligeable pour les généalogistes.

http://editions.pb-co.fr/catalogueCollections.html

Enfin, Nicolas est un grand spécialiste de l'histoire de la Russie : il est l'auteur du site sur la phaléristique impériale russe : www.phaleristique.com